Sur mon livre « De guerre en guerre », por Edgar Morin

(Extraído de su blog personal en : https://blogs.mediapart.fr/edgar-morin/blog/080323/sur-mon-livre-de-guerre-en-guerre al cual se debe acceder desde una IP francesa.)

Billet de blog 8 mars 2023

Dans une émission vidéo de Mediapart, Edwy Plenel a émis un avis critique sur mon livre pprovoqué par la guerre en Ukraine. Voici ma réponse.

Dans une émission vidéo de Mediapart, Edwy Plenel s’est dit étonné qu’habitué à ce que mes textes révèlent ce qui est inédit dans le nouveau, mon livre De guerre en guerre n’ait pas cette qualité en ce qui concerne la guerre d’Ukraine.

Je veux tout d’abord dire que ce livre porte essentiellement sur les maux non seulement physiques et humains, mais intellectuels qui accompagnent toutes les guerres.

J’avais déjà fait des articles sur cette guerre, où je dénonçais expressément l’agression russe et exprimais la nécessité absolue de reconnaitre une Ukraine indépendante et souveraine, et où j’essayais de contextualiser historiquement et géo-stratégiquement ce conflit.

Mais mon livre est issu d’une rétrospection et d’une introspection suscitées par le spectacle des destructions d’immeubles et de tueries de civil en Ukraine. Les images télévises actuelles m’ont ramené des souvenirs remontant indirectement à la guerre de 14-18 dont les horreurs transmises par témoignages, livres et films avaient impressionné mon adolescence, et directement de la seconde guerre mondiale que j’ai vécue en  tant que résistant puis officier d’occupation en Allemagne.

Les générations actuelles découvrent des destructions d’immeubles et de vies qualifiées de crimes de guerre. Assailli par mes souvenirs, je me suis mis à penser que depuis le bombardement de Rotterdam puis celui de Londres par l’Allemagne nazie, les aviations anglo-américaines avaient quasi anéanti la majorité des grandes villes allemandes, y compris Berlin ce qui y fut complété par l’artillerie soviétique, et que tous ces massacres de civils pouvaient être rétrospectivement considérés comme crimes de guerre.

Je me suis re-souvenu de la diabolisation des peuples ennemis pratiqués par toutes les nations en 14-18 puis la réduction des peuples slaves à la sous-humanité par l’idéologie aryenne de l’hitlérisme,  puis le génocide des juifs européens dans les camps construit à cet effet en Pologne. Puis, en réaction aux cruautés de l’occupation,  la diabolisation de l’ensemble du peuple allemand  (à laquelle je n’ai jamais consenti ayant pour adjoint de résistance un antifasciste allemand).

Bref, j’ai enfin clairement vu que la guerre du Bien comportait du Mal en elle comme toute guerre du Bien

Ceci est le point de départ qui m’a reporté à la seconde guerre mondiale, puis à la guerre d’Algérie, puis à la guerre de Yougoslavie que j’ai vécu l’une et l’autre de près, puis la première guerre d’Irak.

J’ai alors voulu rappeler que toute guerre comporte en elle, non seulement des falsifications ou des vérités unilatérales, la la diabolisation non seulement de l’armée, mais du peuple ennemi, comporte  des mensonges de guerre comme celui de Katyn assassinat massif d’officier polonais provoqué par Staline et attribué à l’armée allemande par la propagande soviétique, celui de la pseudo guerre bactériologique attribuée aux États Unis par la Chine lors de la guerre de Corée, ou le massacre de Melouza attribué par le FLN qui en était l’auteur à l’armée française sans parler des tortures et massacres bien réels commis par cette armée française.

J’ai également voulu montrer que faute de négociations à temps, la radicalisation des conflits armée conduits à des désastres : celle de la guerre d’Algérie faillit faire sombrer la France dans une dictature de généraux putschistes, ce que sut éviter le génie de de Gaulle, mais fit sombrer durablement l’Algérie sous la dictature du FLN. De même la radicalisation de la guerre de Yougoslavie aboutit à ne séparation demeurée hostile entre ethnies de même origine et de même langue, Serbie, Croatie, Serbie, qui de plus comme l’Ukraine et la Russie, avaient connu de nombreux mariages mixtes.

Enfin la radicalisation du conflit israëlo-palestinien a conduit à la colonisation tendant à devenir intégrale de la Cisjordanie palestinienne et à la régression de la démocratie israélienne en État réactionnaire-religieux

Comme l’information de nos médias se ne se fonde nullement sur, une pluralité de sources , se voue à l’apologie de tout ce qui est ukrainien et à la condamnation de tout ce qui est russe ( sauf  les dissidents) bien des choses demeurent ou deviennent  invisibles. Ainsi l’interdiction par les autorités ukrainiennes de la littérature et de la musique russe, qui sont une part importante du patrimoine culturel de l’humanité, n’a donné lieu a aucun commentaire, aucune tristesse.

Je prendrai un autre exemple. Bandera qui fut dirigeant du mouvement indépendantiste ukrainien  avant guerre se réfugia en Allemagne, puis celle-ci devenue nazie, s’associa à elle lors de l’occupation de l’Ukraine  par la Wehrmacht. Il institua une administration ukrainienne au service d l’occupant, participa activement aux massacres de juifs, devint lui-même national socialiste mais national socialiste ukrainien ; il proclame même un temps une République ukrainienne, puis se rendant compte que le but réel des nazis n’était pas de libérer l’Ukraine de l’URSS mais de l’asservir comme tout ce qui est slave, il voulut prendre ses distances et fut mis en résidence forcée.

Or, comme l’a bien relevé Arno Klarsfeld, un culte à Bandera s’est développé dans l’Ukraine après Maïdan, non tant comme nazi mais comme indépendantiste antirusse. Des statues lui ont été élevées ainsi qu’à ses proches collaborateurs, la rue Moscou qui conduit à Babi Yar fut nommée rue Bandera. 

Il demeure une minorité nazie peu significative, mais très active militairement depuis 2014 (le conflit entre Ukraine et provinces séparatiste du Donbass) puis Marioupol, et la suite.

Tout cela fut massivement occulté par les médias français comme s’il fallait que tout ce qui est ukrainien soit pur. C’est comme si on occultait Pétain Laval, Darnand, la Milice, le Vel d’hiv, Doriot de l’histoire de France comme inexistants.

Nous sommes informés de tous les mensonges russes, Ceci n’empêche que l’Ukraine de Zelenski soit capable de mensonges de guerre (comme l’attribution à la Russie d’un obus ukrainien tombé en Pologne, épisode vite effacé les USA ayant révélé la vérité), de falsifications, de crimes, d’atrocités, sans doute moins massives moins amples que celle de l’envahisseur russe, mais effectives.

La guerre crétinise et aveugle, d’abord en Russie l’envahisseur mais aussi en Ukraine l’envahie et également dans un pays  la France où les médias entretiennent l’esprit de belligérance par ukrainien  interposé,  sans vouloir nous entraîner pour autant dans la guerre elle-même.

Je suis persuadé que la radicalisation du conflit, l’escalade de haine, mépris, mensonges  tueries, destructions  ne peut que conduire à une amplification et à un élargissement de cette guerre et éventuellement sa mondialisation.

Poutine est un autocrate continuateur à la fois du KGB stalinien et du despotisme tsariste de la Sainte Russie. Mais il n’est pas à la taille de Staline, Mao et même son ami Xi Ping, dictateur de la Chine néo-totalitaire. Il est capable de réalisme c’est-à-dire de faire marche arrière, ce qu’il a fait en Géorgie et en Ukraine même, quand sa tentative d’annexion par la prise de Kyiv échoua et il se rabattit sur le Donbass et une partie de la cote.  Les démocraties ont négocié avec Staline, Mao, elles négocient avec Xi Ping. On négocie la paix avec un ennemi. Et la négociation est possible quand les forces sont à peu près égales ce qui est actuellement le cas. Malheureusement l’escalade de haine est l’obstacle à la négociation.

Ai-je fait comprendre l’objet de mon livre ? Résister à la radicalisation des esprits en guerre, résister au crétinisme et à l’hystérie de guerre, essayer de voir à la fois la simplicité de la situation (il y a un agresseur et un agressé) et son contexte historique complexe où les États-Unis et l’Otan ont dialectiquement (dans une suite  d’interactions et rétroactions) joué un rôle important.

Cette guerre n’était pas inattendue elle était possible depuis la guerre civile du Donbass alimentée militairement par la Russie, stratégiquement et via le renseignement par les États Unis. Je l’avais fait du reste dans un article (publié dans le Monde en 2014.) Elle s’inscrit dans l’évolution des relations Russie-États Unis depuis la chute de l’URSS où le président américain avait verbalement promis à Gorbatchev que l’Otan ne s’élargirait pas en Allemagne.

Ceci pour dire in fine que l’occultation du contexte historique et géopolitique, que l’occultation des complexités conduit, elle aussi, à au crétinisme de guerre lequel favorise le déchainement aveugle des tsunami historiques comme le furent les deux guerres mondiales.